Edouard Nignon

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En 2012 dans le film de Christian Vincent « Les Saveurs du Palais » Jean d’Ormesson qui incarne le président de la République s’adresse à Hortense sa cuisiniètre interprétée par Catherine Frot  : « Avez-vous lu les ouvrages d’Edouard Nignon ?

– Je ne crois pas Monsieur le Président répond-elle

– Ce fut un grand cuisinier dans les années 1910-1920, il est auteur d’un livre qui s’appelle Eloges de la cuisine française. Enfant j’aimais beaucoup lire, mais mes parents qui étaient des catholiques pratiquants surveillaient de très près mes lectures. Beaucoup d’ouvrages m’étaient interdits, à l’exception des livres de cuisine. Celui d’Edouard Nignon était mon préféré. Certaines recettes me faisaient rêver…j’allais jusqu’à les apprendre par cœur , m’enfermant dans la fraicheur de la bibliothèque familiale. Je me souviens encore de quelques unes…Celle du  Caneton de Rouen surprise qui commençait ainsi  « du pays de Pierre Corneille, faites venir un caneton des plus replets »…

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Jean d’Ormesson et Catherine Frot dans « Les Saveurs du Palais » « Avez-vous lu les ouvrages d’Edouard Nignon, Hortense ? »

Il en est ainsi : reconnu par les spécialistes comme le père de la cuisine moderne, Edouard Nignon reste méconnu du grand public. En 1933, année du centenaire de la mort d’Antonin Carême pour qui il avait une véritable vénération, Edouard Nignon dans son livre « Eloges de la cuisine française » regrette l’existence humble, laborieuse et obscure du cuisinier. Sans doute est-ce pour cela qu’il s’autorise dans cet ouvrage, quelques pages autobiographiques.

Il a vu le jour à Nantes le 9 Novembre 1865 rue Faber à Nantes à 11 heures du matin. Son père Pierre Nignon âgé de 40 ans est journalier et sa mère Anne Le Rhun est lingère et âgée de 34 ans. Originaires du Pays Bigouden depuis plusieurs générations, ils se sont mariés à Plomeur avant de venir à Nantes entre 1859 et 1862 pour chercher du travail. Les Finistériens sont nombreux dans le quartier de cette ville, méprisés par le reste de la population, peut-être parce que beaucoup d’entre eux ne parlent que le Breton. Edouard aura trois frères et trois sœurs dont plusieurs décèderont en bas âge.

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Acte de naissance d’Edouard Nignon

La vie est dure et comme beaucoup d’enfants de l’époque, Edouard entre dans le monde du travail alors qu’il n’a pas encore dix ans. Il travaille dans plusieurs restaurants de la ville dont le Cambronne et surtout Monier à partir de 1875 qui dira t’il plus tard « est de tout premier ordre. Sans doute lui donnait-on les tâches les plus pénibles et les moins gratifiantes, mais c’est pourtant là que va naitre sa vocation de cuisinier. Lorsqu’il entre pour la première fois dans ce restaurant, le chef – qu’il appelle son professeur- un homme de grand talent, lui dit « Écoute petit, de toutes les professions du monde tu as choisi la meilleure. Elle est certes pénible, infiniment ardue pour celui qui s’y adonne, mais que d’émotions exquises elle procure. Tu seras largement payé de tes efforts »

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Salle à manger du Noël Peters

C’est dans ce même restaurant Monier que le célèbre gastronome Charles Monselet, auteur de l’Almanach des Gourmands, aimait venir s’asseoir chaque fois qu’il venait à Nantes sa ville natale. Un jour qu’il était entré en cuisine afin de saluer le chef et passer sa commande, il dit au jeune Edouard « Aime ton métier jeune homme, aime le bien, c’est le plus beau de tous ».

Après Nantes, il part travailler à Cholet, puis comme la plupart des provinciaux remarqués par leur patron, muni de chaleureuses recommandations, il monte à Paris en vue de s’épanouir dans sa vocation. Nous sommes en 1880, Edouard a seulement quinze ans.

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                                                                          Maison Dorée

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Café de la Paix du Grand Hôtel

Il entre alors chez Potel et Chabot auprès du chef Lhermitte, là il est confronté aux repas officiels de la Chambre des députés et à de somptueux banquets comme celui du couronnement du Tsar Alexandre III le 27 Mars 1883. Il se rappellera qu´il y avait trois fourneaux le principal était chauffé au bois, le second sur lequel étaient confectionnées les sauces fonctionnait à  la cendre, enfin celui sur lequel on cuisait les potages, marchait au charbon de bois. Viennent alors une succession de grandes maisons : la Maison Dorée ou Maison d’Or née en 1848 sur les ruines du Café Hardy le chef en est alors Casimir Moisson. Après quoi il entre au Café Anglais après l’époque du grand Adolphe Dugléré. Le chef Letain est sans rival pour préparer la carpe farcie à la Chambord. Les boiseries du Grand 16, salon particulier du café Anglais chanté par Offenbach, sont aujourd’hui à La Tour d’Argent. Edouard Nignon s’en va ensuite, au Café Voisin dont le chef Henri Dasque était passé par les cuisines de Louis Philippe. Ce restaurant est entré dans l’histoire pour avoir servi en 1870 pendant le blocus prussien, du rôti d’ours et des chats flanqués de rats. Puis c’est le Café de Paix qu’il quitte fin 1885 pour accomplir son service militaire mais qu’il retrouve à « la quille », comme chef de partie.

On le voit aussi chez Bignon dont la famille Rothschild était une habituée et chez Magny dont les fameux dîners bimensuels réunissaient la fine fleur des arts, des lettres et de la politique. Il écrit dans ses mémoires qu´un jour dans ce restaurant on lui permit de préparer pour son compatriote le Trégorois Ernest Renan, les œufs au miroir qu´il prisait tout particulièrement.

Il revient alors non plus comme « étudiant » mais comme ouvrier dans plusieurs restaurants dans lesquels il avait déjà travaillé auparavant. Ainsi au Café Voisin dirigé désormais par Pierre Bétis qui rachètera Noel et Peters par la suite.

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Le Café anglais juste avant sa destruction

C’est alors qu’il se marie une première fois, dans la Quatrième Arrondissement, sa fiancée est cuisinière elle aussi et s’appelle Joséphine Lucas, nous sommes le 16 Septembre 1888. Ensemble ils auront un fils nommé Marcel Edouard dont nous reparlerons un peu plus loin.

Ensuite il est entremetier chez Noel  Peters lors de l´Expo 1889, au 24 passage des Princes où dit-on  Pierre Fraysse aurait créé le Homard à l’Américaine. De là il passe au Lapérouse où il est chef rôtisseur, au Marivaux, au Terminus Hôtel, dans cet hôtel il est garde-manger sous la direction du chef Thouraud, puis il entre en 1891 chez Barbote à la gare de l’Est, il a 26 ans, c’est son premier poste de chef de cuisine.

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Salle de l’Hôtel Terminus

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Restaurant Lapérouse aujourd’hui

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Restaurant Paillard

Durant tout ce temps il a côtoyé les plus gros bonnets de la cuisine française : Casimir Moisson qui avait succédé à Adolphe Dugléré aux Trois Frères Provençaux, Pierre Bétis un extraordinaire saucier, Hyppolite Letort chez Bignon, Breton lui aussi on le surnommait le second Antonin Carême, Nignon dira de lui qu´il fut le plus grand cuisinier que j´aie connu durant ma carrière. Il eut aussi pour maîtres des artistes de la cuisine ornementale tels Masson, Joseph Dugnol au Marivaux et surtout Léopold  Hani au Café de la Paix à qui il devra sa formation d’ornementaliste.

Remarqué par les Grands de ce monde, Edouard Nignon peut se louer à des maison princières pour de somptueux banquets en particulier au Château de Chantilly chez le  Duc d’Aumale  Henri d’Orléans et à Paris chez le Duc de Camposélis

En 1892, suivant l’exemple d’Antonin Carême, (il se découvrait chaque fois que l’on prononçait son nom devant lui)  il va devenir le cuisinier des rois et part pour Vienne où il dirige les cuisine de l’hôtel Trianon, restaurant très prisé de’ l’empereur François-Joseph, de sa Cour et de la haute société austro-hongroise, russe et polonaise.

Il revient bientôt à Paris pour prendre la direction des cuisines du restaurant Paillard il y reste quatre ans. Plus tard il ne tarira pas d’éloges sur ce restaurant et sur son patron. Mais son épouse décède et il part à Londres en 1898 pour faire l’ouverture du Claridge qui est alors le plus bel hôtel du monde. Il y reste trois ans.

Probablement à la demande de Pierre Cubat chef cuisiniers des Tsars, il part pour Moscou le 5 août 1900, où il est choisi entre cinq chefs pour diriger  les cuisines de l’Ermitage le plus fameux restaurant de la ville. Cette même année, le 22 août 1901 plus exactement, il se marie au Consulat de France avec Marie-Antoinette Simonot.

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Mention de son mariage à Moscou sur l’acte de naissance de Édouard Nignon

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Moscou Hôtel Ermitage

A l’Ermitage, Edouard Nignon est en pleine gloire, il organise de somptueux banquets pour le richissime industriel Ivan Morozov. Pour lui, il réalise de colossales sculptures de glace pour le service du caviar, des crustacés et du champagne.

En 1905, Nignon passe aux commandes du tout nouvel Grand Hôtel Métropole, il y dirige plus de 500 personnes dont 120 cuisiniers, parmi eux de nombreux Français  dont il soutient le recrutement. Il  favorise aussi l’importation de produits français.

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Moscou le Grand Hôtel Métropole

Cette même année il va créer une boulangerie-pâtisserie française, la première du pays. Ayant survécu aux révolutions et guerres mondiales, elle existe toujours aujourd’hui, tenue par un Français.

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Hôtel Majestic Avenue Kléber

Hélas, son épouse ne s’acclimate pas et ils perdent leur fille Berthe née le 26 Mai 1902. Edouard frôle la mort lors d’une révolte en 1908 lorsque mis en joue par un Cosaque il est sauvé par un de ses cuisiniers qui crie au soldat « Non pas lui, c´est un de nos frères ».

Alors il décide de rentrer en France où on l’appelle pour l’ouverture de l’hôtel Majestic, rue Kléber. Il a la « douloureuse stupéfaction » de constater que la plupart des établissements où il a travaillé ont fermé et que les chefs qu’il admirait tant sont décédés et de citer Burdel, Verdier, Bradesac, Lhermite, Masson, Casimir, Letain, Henri Bétis, Picard l’ancien chef saucier de chez Bignon, Lépy, Hani, Dugnol, Balthazar, Bouzy, Chellé, Péri, Lebrun…  Hyppolite Letort, lui est parti en Angleterre se mettre au service du Baron de Rothschild laissant vide sa place chez Bignon dont le succès décroit rapidement

Il a désormais fermement le désir d’opérer en toute indépendance et il achète le restaurant Larue.

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Façade du restaurant Larue

Ce restaurant fondé en 1886 par le maître d’hôtel Larue à l’angle de la Rue Royale et de la place de la Madeleine avait la réputation d’être le plus élégant de la capitale, mais depuis quelques temps les affaires vont mal. Confiant en ses connaissances culinaires et à la réputation qu’il s’est forgé tant à Paris qu’en Europe, il n’hésite pas à traiter l’achat de cette maison avec le Duc d’Uzès qui lui fait confiance en raison de ses états de service.

L’achat acté du 2 Novembre 1908., est en association financière avec Octave Vaudable (1871-1942). Celui-ci, entré chez Larue comme commis de salle en 1890, en a gravi tous les échelons jusqu’à en devenir le maître d’hôtel.

Mais les bonnes relations entre les deux hommes ne durent guère, dès 1910 la mésentente surgit et en 1913 Edouard Nignon devient seul propriétaire en achetant les parts de Mr Vaudable contre 300 000 francs/or. Celui-ci part alors pour Noel Peters avant d’acheter Maxim’s en 1930.

Edouard Nignon est bientôt très secoué par mort de son unique fils Marcel Edouard. Celui-ci âgé de 25 ans, soldat au 160eme Régiment d´Infanterie est tué à l´ennemi le 18 octobre 1914 à la Boisselle lors de la bataille de la Somme.

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Salle du restaurant Larue

La clientèle représente ce qui se fait de mieux. Edouard Nignon privilégie ses liens avec les milieux monarchistes, bonapartistes, nationalistes, aristocratiques et les membres de l’Académie Française. Peut-être est-ce pour cette raison que le célèbre Club des Cent fondé en 1912 par Louis Forest ne donnera aucun de ses célèbres dîners du temps de Edouard Nignon et Larue  devra attendre le 1er décembre 1927 pour l’organisation d’un diner du célèbre Club.

Qu’importe, Nignon a relevé la réputation du restaurant Larue  et le Président américain Wilson, l’honore de sa confiance en 1921 en le désignant « chef de bouche » lorsqu’il réside à Paris.

Aristide Briand, président du conseil et futur Prix Nobel de la Paix, prenait pension chez son compatriote  et ami nantais

Edouard Nignon a désormais troqué la veste blanche et la toque pour le frac. C’est en habit noir qu’il règne place de la Madeleine et « reçoit le tout Paris à sa table » selon les paroles de Sacha Guitry. Son neveu par alliance Célestin Duplat, marié à une nièce de Madame Nignon, en dirige  les cuisines. Nignon dit de lui  » Il fut à mes cotés à Moscou et dans d´autres maisons importantes, je puis donc témoigner de sa science professionnelle »

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Le restaurant Larue en 1938

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Couverture d´un menu du restaurant Larue

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Menu du 11 novembre 1924

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Menu du 4 juin 1929

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Menu du 13 janvier 1931

Edouard Nignon a un joli brin de plume et il s’oriente vers l’écriture. D’abord  en 1919 il publie « l’Heptaméron des gourmets ou les délices de la cuisine française ». Ce magnifique ouvrage est dédié à Marcel son fils unique tombé au combat de Boisselle dans la Somme le 8 Octobre 1914, il est sous-titré « sept journées au pays de cocagne » L’auteur prend pour prétexte sept journées dans le monde antique avec deux menus un pour le déjeuner et un pour le dîner avec les recettes des plats proposés. Les textes littéraires sont rédigés par les grands noms de la littérature de l’époque : André Mary, Laurent Tailhade, Lucien Descaves, Henry de Régnier, Guillaume Appolinaire, Fernand Fleuret et Emile Godefroy. Cette littérature est enjolivée de dessins de ODV Guillonnet et de Henri Varenne.

Ce somptueux ouvrage de 250 pages, d’un prix inabordable pour les petites bourses est édité par Nignon lui-même à compte d’auteur avec 20 exemplaires sur papier ancien du Japon numérotés de I à XX, 120 exemplaires sur papier impérial du Japon numéroté de 1 à 120, 10 exemplaires hors commerce, sur papier vergé numéroté de A à J.

J´ai eu l´honneur de consulter l´exemplaire numéro VII de ce merveilleux ouvrage. Alors chef du restaurant Le Corsaire de Rennes. Je passais alors un après-midi par semaine assis devant le bureau de la bibliothèque du château de la Haute-Foret, compulsant religieusement les archives du fabuleux Chef que  Edouard Nignon avait été.

Les repas imaginés par Nignon lui-même sont somptueux. Chacun comporte 4 hors d’œuvre froids, 4 hors d’œuvres chauds, 6 plats aux œufs, 5 poissons ou crustacés, 10 entrées, 3 entrées froides, 3 légumes, 4 entremets et 5 gâteaux de pâtisserie. Et ainsi deux fois par jour et durant sept jours.

On y trouve de jolis noms poétiques tels Célestines de foie gras Valmore, Jambon de Luxeuil aux figues, Consommé à la jambe de bois ( qui sera repris par Paul Bocuse), Ortolans à la goutte de sang et des pâtisseries qui ont pour nom Baisers fins.

La Bretagne n’est pas oubliée puisque l’on trouve non seulement des Canapés Bretons, mais aussi un Thon à la Quimperloise, des Feuilletés Cancalais, une Soupe Bretonne, une Carpe à la Pont-Réannaise, un Turbot soufflé nantaise, des délices de Bretagne qui sont des crêpes à la crème et au jambon, une Galette Bretonne et des Petits Gâteaux de Nantes.

Un seul plat porte le nom du grand cuisinier, il s’agit d’une crème de volaille à la purée de petits pois frais, créé pour le dramaturge Paul Hervieu. Nignon lui avait offert la dédicace mais l’auteur refusa poliment et préféra que le plat porte le nom du cuisinier car « c’était la meilleure crème de volaille qu’il eut jamais mangée »

En 1922 Edouard Nignon doit subir l’ablation d’un rein, il a 57 ans et ses problèmes de santé le conduisent la mort dans l’âme à abandonner son restaurant et à en céder la propriété et la jouissance à son neveu et chef de cuisine Célestin Duplat. L’établissement est en de bonnes mains puisqu’en 1933 Larue est honoré par trois étoiles au guide Michelin et il les gardera jusqu’à la guerre.

Edouard Nignon se retire alors dans sa chère Bretagne. Il a acheté le 19 avril 1919 le château de la Haute Forêt à Bréal sous Montfort à 10 kilomètres de Rennes. Y venant d’abord pour ses vacances, c’est là désormais qu’il se consacrera à l’écriture. De longue date il avait entrepris un travail de notes où il rassemblait ses mémoires, recettes et préceptes culinaires.

Dans « Fleurs de Thym, effluves de rêves » il avoue que son âme altérée de poésie connait une ivresse nouvelle et d´évoquer la rentrée turbulente des abeilles butineuses au jour tombant dans le parc du château tandis que le rossignol égrène un chapelet cristallin.

Plus loin il confie  » un Breton de race n´oublie jamais sa terre natale, même transplanté très loin il reste fidèle à sa Bretagne.  Il me fallait réentendre la chanson des clochers à jour, revoir les calvaires peuplés d´un monde grouillant de statuettes, les dolmens alourdis de légendes, toute la Bretagne, enfin ! J´aspirais à revoir la vieille maison de ma naissance. la fontaine et le ruisseau où je faisais tourner des moulinets, le vieux banc où mon père et ma mère, dans la paisible attente de l´Ankou, reposaient leurs membres lassés…

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Edouard Nignon à son bureau de la Haute-Forêt

Son ami Morbihannais Bertrand Guégan, homme de lettres, critique littéraire, historien, éditeur, traducteur, déjà maitre d’œuvre de l’Heptaméron, sera le collaborateur privilégié d’Edouard Nignon, en parfaite complémentarité. Né à Vannes en 1892, ce résistant de la première heure est arrêté par la Gestapo dans sa ville natale et meurt en déportation au camps d’Orianenburg-Sachsenhausen en 1943

De leur collaboration naitront

-Les plaisirs de la Table en 1930 préfacé de Mr de Flers de l’Académie Française et agrémenté de dessins du maitre Grignon. On y trouve des recettes culinaires et d’aimables causeries.

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Couverture de la réédition de « Eloges de la Cuisine Française » réédité par les Editions Menu Fretin en 2014

-Eloges de la Cuisine Française terminé en 1927, probablement en raison de la crise de 1929,  ne sera édité qu’en 1933. Décoré de dessins de Pierre Courtois. Malheureusement Mr Nignon en a confié la préface à un Sacha Guitry peu inspiré sur le coup, terne et un brin méprisant. Ce livre a été réédité en 1995 et en 2014

Il participe aussi à deux ouvrages de vulgarisation, plus accessibles

-Le livre de cuisine de l’Ouest-Eclair (ancien nom du quotidien Ouest-France), suite à un concours du quotidien régional en 1924 sous la présidence de Nignon. Dans la préface il insiste « La cuisine se mange bouillante ou très froide, la cuisine tiède n’existe pas ». Dans le même ouvrage il s’insurge contre le faisandage du gibier.

-Précis de cuisine familiale en 1935 sorti après le décès du cuisinier, ce livre est à l’usage des jeunes filles des Ecoles Supérieures et des Cours complémentaires.

Quelques semaines avant son décès, il se désole que les nouveaux fourneaux à gaz ne soient plus équipés de tournebroche.

Agé de 69 ans, diminué par la maladie, il décède le 30 Octobre 1934 en son château et repose aujourd’hui dans le cimetière de Bréal

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Faire-part de décès de Edouard Nignon dans le Ouest-Eclair du 1er Novembre 1934

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Compte-rendu des obsèques d’Edouard Nignon dans le Ouest Eclair du 3 Novembre 1934

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Sépulture d’Edouard Nignon dans le cimetière de Bréal-sous-Montfort (photo Yannig Oliviéro)

Edouard Nignon a reçu de nombreuses décorations tant en France qu’à l’étranger : Légion d’Honneur, Mérite agricole, Mutualité. L’Académie Française l’a récompensé par le Prix Monthyon pour son ouvrage « Eloges de la Cuisine Française ».

Au contact des plus grands cuisiniers de son temps et des cuisines étrangères, Nignon a découvert, construit, osé des associations, adapté et innové dans le respect de la tradition.

Il a sacralisé la Gastronomie française dans sa trinité « cuisine, vin, pâtisserie » mais à aucun moment il n’apparait comme un xénophobe culinaire.

Il conseille sans cesse aux jeunes cuisiniers d’étudier les procédés anciens et classiques, de voyager pour comparer les techniques des divers pays. De glaner partout et toujours.

En 1915 pendant le premier conflit mondial, il fonde à Sannois ex-Seine et Oise, l’Orphelinat des Restaurateurs, Limonadiers et de l’Industrie Hôtelière

Un Institut Edouard Nignon a vu le jour à Nantes, sa ville natale. Sous son impulsion divers hommages ont été rendus, dont l’inauguration le 18 juin 2011 á Bréal sous Montfort, d’une allée qui chemine de la médiathèque à la mairie et qui a reçu le nom d’Edouard Nignon

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18 juin 2011 MM Joseph Durand maire de Bréal, Christian Louis petit neveu d’Edouard Nignon et Yvon Garnier président de l’Institut Edouard Nignon, inaugurent l’allée portant le nom du prestigieux chef

Pour conclure, nous rapporterons ce que dit de lui Nicolas de Rabaudy dans son Guide des meilleurs restaurants de France Editions J-C Lattès en 1976 pages 208 et 209 : »Le grand monsieur de la cuisine moderne ne fut pas Escoffier, mais Edouard Nignon…Escoffier a rendu service au métier de cuisinier, pas à l’art culinaire. …Fernand Point a été le continuateur de la cuisine de Nignon qui était d’une simplicité racinienne »

4 réflexions sur “Edouard Nignon

  1. Bonjour merci pour toutes ses anedoctes sur la richesse culinaires de ses restaurant j ai lu toutes les anedoctes sur les restaurant de mon departements
    Belle recherche …instructives
    J ai un vieux bistrot de 1910 sur nantes si un jour ca vous interesse a voir
    Cordialement les chants d avril

    Aimé par 1 personne

    • Bonjour , Merci pour votre gentil message. Je suis très flatté que ces pages vous aient plu. Mes enfants m´ont parlé en beaucoup de bien des Chants d´Avril et si je repasse par Nantes, je ne manquerai pas d´aller vous saluer. Bien cordialement

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  2. annick.vallee35@gmail.com

    passionnée de Culture, d’Histoire et du Patrimoine, ayant écrit la monographie de L’Hermitage 35590, bien sûr, j’ai été très intéressée par la vie d’Edouard Nignon. La Haute Forêt étant proche de chez moi.
    Mon mari a toute sa famille dans les communes proches (Goven, Baulon ..)

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  3. Bonjour Monsieur,
    Le président de l’association dont je suis le secrétaire m’a transmis la biographie d’Edouard Nignon que vous avez réalisée il y a quelque temps et qui nous a beaucoup intéressé. Nous sommes effectivement une association nantaise dont le nom a été donné par son fondateur Yvon Garnier, membre de l’Institut Culinaire de France. Il s’agit de l’Institut Edouard Nignon qui a pour but de faire connaître ce grand cuisinier. Nous aimerions échanger d’avantage avec vous à ce sujet. Merci de me recontacter à l’occasion?
    Bien cordialement,

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