Edouard Nignon

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En 2012 dans le film de Christian Vincent « Les Saveurs du Palais » Jean d’Ormesson qui incarne le président de la République s’adresse à Hortense sa cuisiniètre interprétée par Catherine Frot  : « Avez-vous lu les ouvrages d’Edouard Nignon ?

– Je ne crois pas Monsieur le Président répond-elle

– Ce fut un grand cuisinier dans les années 1910-1920, il est auteur d’un livre qui s’appelle Eloges de la cuisine française. Enfant j’aimais beaucoup lire, mais mes parents qui étaient des catholiques pratiquants surveillaient de très près mes lectures. Beaucoup d’ouvrages m’étaient interdits, à l’exception des livres de cuisine. Celui d’Edouard Nignon était mon préféré. Certaines recettes me faisaient rêver…j’allais jusqu’à les apprendre par cœur , m’enfermant dans la fraicheur de la bibliothèque familiale. Je me souviens encore de quelques unes…Celle du  Caneton de Rouen surprise qui commençait ainsi  « du pays de Pierre Corneille, faites venir un caneton des plus replets »…

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Jean d’Ormesson et Catherine Frot dans « Les Saveurs du Palais » « Avez-vous lu les ouvrages d’Edouard Nignon, Hortense ? »

Il en est ainsi : reconnu par les spécialistes comme le père de la cuisine moderne, Edouard Nignon reste méconnu du grand public. En 1933, année du centenaire de la mort d’Antonin Carême pour qui il avait une véritable vénération, Edouard Nignon dans son livre « Eloges de la cuisine française » regrette l’existence humble, laborieuse et obscure du cuisinier. Sans doute est-ce pour cela qu’il s’autorise dans cet ouvrage, quelques pages autobiographiques.

Il a vu le jour à Nantes le 9 Novembre 1865 rue Faber à Nantes à 11 heures du matin. Son père Pierre Nignon âgé de 40 ans est journalier et sa mère Anne Le Rhun est lingère et âgée de 34 ans. Originaires du Pays Bigouden depuis plusieurs générations, ils se sont mariés à Plomeur avant de venir à Nantes entre 1859 et 1862 pour chercher du travail. Les Finistériens sont nombreux dans le quartier de cette ville, méprisés par le reste de la population, peut-être parce que beaucoup d’entre eux ne parlent que le Breton. Edouard aura trois frères et trois sœurs dont plusieurs décèderont en bas âge.

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Acte de naissance d’Edouard Nignon

La vie est dure et comme beaucoup d’enfants de l’époque, Edouard entre dans le monde du travail alors qu’il n’a pas encore dix ans. Il travaille dans plusieurs restaurants de la ville dont le Cambronne et surtout Monier à partir de 1875 qui dira t’il plus tard « est de tout premier ordre. Sans doute lui donnait-on les tâches les plus pénibles et les moins gratifiantes, mais c’est pourtant là que va naitre sa vocation de cuisinier. Lorsqu’il entre pour la première fois dans ce restaurant, le chef – qu’il appelle son professeur- un homme de grand talent, lui dit « Écoute petit, de toutes les professions du monde tu as choisi la meilleure. Elle est certes pénible, infiniment ardue pour celui qui s’y adonne, mais que d’émotions exquises elle procure. Tu seras largement payé de tes efforts »

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Salle à manger du Noël Peters

C’est dans ce même restaurant Monier que le célèbre gastronome Charles Monselet, auteur de l’Almanach des Gourmands, aimait venir s’asseoir chaque fois qu’il venait à Nantes sa ville natale. Un jour qu’il était entré en cuisine afin de saluer le chef et passer sa commande, il dit au jeune Edouard « Aime ton métier jeune homme, aime le bien, c’est le plus beau de tous ».

Après Nantes, il part travailler à Cholet, puis comme la plupart des provinciaux remarqués par leur patron, muni de chaleureuses recommandations, il monte à Paris en vue de s’épanouir dans sa vocation. Nous sommes en 1880, Edouard a seulement quinze ans.

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                                                                          Maison Dorée

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Café de la Paix du Grand Hôtel

Il entre alors chez Potel et Chabot auprès du chef Lhermitte, là il est confronté aux repas officiels de la Chambre des députés et à de somptueux banquets comme celui du couronnement du Tsar Alexandre III le 27 Mars 1883. Il se rappellera qu´il y avait trois fourneaux le principal était chauffé au bois, le second sur lequel étaient confectionnées les sauces fonctionnait à  la cendre, enfin celui sur lequel on cuisait les potages, marchait au charbon de bois. Viennent alors une succession de grandes maisons : la Maison Dorée ou Maison d’Or née en 1848 sur les ruines du Café Hardy le chef en est alors Casimir Moisson. Après quoi il entre au Café Anglais après l’époque du grand Adolphe Dugléré. Le chef Letain est sans rival pour préparer la carpe farcie à la Chambord. Les boiseries du Grand 16, salon particulier du café Anglais chanté par Offenbach, sont aujourd’hui à La Tour d’Argent. Edouard Nignon s’en va ensuite, au Café Voisin dont le chef Henri Dasque était passé par les cuisines de Louis Philippe. Ce restaurant est entré dans l’histoire pour avoir servi en 1870 pendant le blocus prussien, du rôti d’ours et des chats flanqués de rats. Puis c’est le Café de Paix qu’il quitte fin 1885 pour accomplir son service militaire mais qu’il retrouve à « la quille », comme chef de partie.

On le voit aussi chez Bignon dont la famille Rothschild était une habituée et chez Magny dont les fameux dîners bimensuels réunissaient la fine fleur des arts, des lettres et de la politique. Il écrit dans ses mémoires qu´un jour dans ce restaurant on lui permit de préparer pour son compatriote le Trégorois Ernest Renan, les œufs au miroir qu´il prisait tout particulièrement.

Il revient alors non plus comme « étudiant » mais comme ouvrier dans plusieurs restaurants dans lesquels il avait déjà travaillé auparavant. Ainsi au Café Voisin dirigé désormais par Pierre Bétis qui rachètera Noel et Peters par la suite.

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Le Café anglais juste avant sa destruction

C’est alors qu’il se marie une première fois, dans la Quatrième Arrondissement, sa fiancée est cuisinière elle aussi et s’appelle Joséphine Lucas, nous sommes le 16 Septembre 1888. Ensemble ils auront un fils nommé Marcel Edouard dont nous reparlerons un peu plus loin.

Ensuite il est entremetier chez Noel  Peters lors de l´Expo 1889, au 24 passage des Princes où dit-on  Pierre Fraysse aurait créé le Homard à l’Américaine. De là il passe au Lapérouse où il est chef rôtisseur, au Marivaux, au Terminus Hôtel, dans cet hôtel il est garde-manger sous la direction du chef Thouraud, puis il entre en 1891 chez Barbote à la gare de l’Est, il a 26 ans, c’est son premier poste de chef de cuisine.

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Salle de l’Hôtel Terminus

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Restaurant Lapérouse aujourd’hui

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Restaurant Paillard

Durant tout ce temps il a côtoyé les plus gros bonnets de la cuisine française : Casimir Moisson qui avait succédé à Adolphe Dugléré aux Trois Frères Provençaux, Pierre Bétis un extraordinaire saucier, Hyppolite Letort chez Bignon, Breton lui aussi on le surnommait le second Antonin Carême, Nignon dira de lui qu´il fut le plus grand cuisinier que j´aie connu durant ma carrière. Il eut aussi pour maîtres des artistes de la cuisine ornementale tels Masson, Joseph Dugnol au Marivaux et surtout Léopold  Hani au Café de la Paix à qui il devra sa formation d’ornementaliste.

Remarqué par les Grands de ce monde, Edouard Nignon peut se louer à des maison princières pour de somptueux banquets en particulier au Château de Chantilly chez le  Duc d’Aumale  Henri d’Orléans et à Paris chez le Duc de Camposélis

En 1892, suivant l’exemple d’Antonin Carême, (il se découvrait chaque fois que l’on prononçait son nom devant lui)  il va devenir le cuisinier des rois et part pour Vienne où il dirige les cuisine de l’hôtel Trianon, restaurant très prisé de’ l’empereur François-Joseph, de sa Cour et de la haute société austro-hongroise, russe et polonaise.

Il revient bientôt à Paris pour prendre la direction des cuisines du restaurant Paillard il y reste quatre ans. Plus tard il ne tarira pas d’éloges sur ce restaurant et sur son patron. Mais son épouse décède et il part à Londres en 1898 pour faire l’ouverture du Claridge qui est alors le plus bel hôtel du monde. Il y reste trois ans.

Probablement à la demande de Pierre Cubat chef cuisiniers des Tsars, il part pour Moscou le 5 août 1900, où il est choisi entre cinq chefs pour diriger  les cuisines de l’Ermitage le plus fameux restaurant de la ville. Cette même année, le 22 août 1901 plus exactement, il se marie au Consulat de France avec Marie-Antoinette Simonot.

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Mention de son mariage à Moscou sur l’acte de naissance de Édouard Nignon

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Moscou Hôtel Ermitage

A l’Ermitage, Edouard Nignon est en pleine gloire, il organise de somptueux banquets pour le richissime industriel Ivan Morozov. Pour lui, il réalise de colossales sculptures de glace pour le service du caviar, des crustacés et du champagne.

En 1905, Nignon passe aux commandes du tout nouvel Grand Hôtel Métropole, il y dirige plus de 500 personnes dont 120 cuisiniers, parmi eux de nombreux Français  dont il soutient le recrutement. Il  favorise aussi l’importation de produits français.

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Moscou le Grand Hôtel Métropole

Cette même année il va créer une boulangerie-pâtisserie française, la première du pays. Ayant survécu aux révolutions et guerres mondiales, elle existe toujours aujourd’hui, tenue par un Français.

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Hôtel Majestic Avenue Kléber

Hélas, son épouse ne s’acclimate pas et ils perdent leur fille Berthe née le 26 Mai 1902. Edouard frôle la mort lors d’une révolte en 1908 lorsque mis en joue par un Cosaque il est sauvé par un de ses cuisiniers qui crie au soldat « Non pas lui, c´est un de nos frères ».

Alors il décide de rentrer en France où on l’appelle pour l’ouverture de l’hôtel Majestic, rue Kléber. Il a la « douloureuse stupéfaction » de constater que la plupart des établissements où il a travaillé ont fermé et que les chefs qu’il admirait tant sont décédés et de citer Burdel, Verdier, Bradesac, Lhermite, Masson, Casimir, Letain, Henri Bétis, Picard l’ancien chef saucier de chez Bignon, Lépy, Hani, Dugnol, Balthazar, Bouzy, Chellé, Péri, Lebrun…  Hyppolite Letort, lui est parti en Angleterre se mettre au service du Baron de Rothschild laissant vide sa place chez Bignon dont le succès décroit rapidement

Il a désormais fermement le désir d’opérer en toute indépendance et il achète le restaurant Larue.

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Façade du restaurant Larue

Ce restaurant fondé en 1886 par le maître d’hôtel Larue à l’angle de la Rue Royale et de la place de la Madeleine avait la réputation d’être le plus élégant de la capitale, mais depuis quelques temps les affaires vont mal. Confiant en ses connaissances culinaires et à la réputation qu’il s’est forgé tant à Paris qu’en Europe, il n’hésite pas à traiter l’achat de cette maison avec le Duc d’Uzès qui lui fait confiance en raison de ses états de service.

L’achat acté du 2 Novembre 1908., est en association financière avec Octave Vaudable (1871-1942). Celui-ci, entré chez Larue comme commis de salle en 1890, en a gravi tous les échelons jusqu’à en devenir le maître d’hôtel.

Mais les bonnes relations entre les deux hommes ne durent guère, dès 1910 la mésentente surgit et en 1913 Edouard Nignon devient seul propriétaire en achetant les parts de Mr Vaudable contre 300 000 francs/or. Celui-ci part alors pour Noel Peters avant d’acheter Maxim’s en 1930.

Edouard Nignon est bientôt très secoué par mort de son unique fils Marcel Edouard. Celui-ci âgé de 25 ans, soldat au 160eme Régiment d´Infanterie est tué à l´ennemi le 18 octobre 1914 à la Boisselle lors de la bataille de la Somme.

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Salle du restaurant Larue

La clientèle représente ce qui se fait de mieux. Edouard Nignon privilégie ses liens avec les milieux monarchistes, bonapartistes, nationalistes, aristocratiques et les membres de l’Académie Française. Peut-être est-ce pour cette raison que le célèbre Club des Cent fondé en 1912 par Louis Forest ne donnera aucun de ses célèbres dîners du temps de Edouard Nignon et Larue  devra attendre le 1er décembre 1927 pour l’organisation d’un diner du célèbre Club.

Qu’importe, Nignon a relevé la réputation du restaurant Larue  et le Président américain Wilson, l’honore de sa confiance en 1921 en le désignant « chef de bouche » lorsqu’il réside à Paris.

Aristide Briand, président du conseil et futur Prix Nobel de la Paix, prenait pension chez son compatriote  et ami nantais

Edouard Nignon a désormais troqué la veste blanche et la toque pour le frac. C’est en habit noir qu’il règne place de la Madeleine et « reçoit le tout Paris à sa table » selon les paroles de Sacha Guitry. Son neveu par alliance Célestin Duplat, marié à une nièce de Madame Nignon, en dirige  les cuisines. Nignon dit de lui  » Il fut à mes cotés à Moscou et dans d´autres maisons importantes, je puis donc témoigner de sa science professionnelle »

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Le restaurant Larue en 1938

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Couverture d´un menu du restaurant Larue

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Menu du 11 novembre 1924

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Menu du 4 juin 1929

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Menu du 13 janvier 1931

Edouard Nignon a un joli brin de plume et il s’oriente vers l’écriture. D’abord  en 1919 il publie « l’Heptaméron des gourmets ou les délices de la cuisine française ». Ce magnifique ouvrage est dédié à Marcel son fils unique tombé au combat de Boisselle dans la Somme le 8 Octobre 1914, il est sous-titré « sept journées au pays de cocagne » L’auteur prend pour prétexte sept journées dans le monde antique avec deux menus un pour le déjeuner et un pour le dîner avec les recettes des plats proposés. Les textes littéraires sont rédigés par les grands noms de la littérature de l’époque : André Mary, Laurent Tailhade, Lucien Descaves, Henry de Régnier, Guillaume Appolinaire, Fernand Fleuret et Emile Godefroy. Cette littérature est enjolivée de dessins de ODV Guillonnet et de Henri Varenne.

Ce somptueux ouvrage de 250 pages, d’un prix inabordable pour les petites bourses est édité par Nignon lui-même à compte d’auteur avec 20 exemplaires sur papier ancien du Japon numérotés de I à XX, 120 exemplaires sur papier impérial du Japon numéroté de 1 à 120, 10 exemplaires hors commerce, sur papier vergé numéroté de A à J.

J´ai eu l´honneur de consulter l´exemplaire numéro VII de ce merveilleux ouvrage. Alors chef du restaurant Le Corsaire de Rennes. Je passais alors un après-midi par semaine assis devant le bureau de la bibliothèque du château de la Haute-Foret, compulsant religieusement les archives du fabuleux Chef que  Edouard Nignon avait été.

Les repas imaginés par Nignon lui-même sont somptueux. Chacun comporte 4 hors d’œuvre froids, 4 hors d’œuvres chauds, 6 plats aux œufs, 5 poissons ou crustacés, 10 entrées, 3 entrées froides, 3 légumes, 4 entremets et 5 gâteaux de pâtisserie. Et ainsi deux fois par jour et durant sept jours.

On y trouve de jolis noms poétiques tels Célestines de foie gras Valmore, Jambon de Luxeuil aux figues, Consommé à la jambe de bois ( qui sera repris par Paul Bocuse), Ortolans à la goutte de sang et des pâtisseries qui ont pour nom Baisers fins.

La Bretagne n’est pas oubliée puisque l’on trouve non seulement des Canapés Bretons, mais aussi un Thon à la Quimperloise, des Feuilletés Cancalais, une Soupe Bretonne, une Carpe à la Pont-Réannaise, un Turbot soufflé nantaise, des délices de Bretagne qui sont des crêpes à la crème et au jambon, une Galette Bretonne et des Petits Gâteaux de Nantes.

Un seul plat porte le nom du grand cuisinier, il s’agit d’une crème de volaille à la purée de petits pois frais, créé pour le dramaturge Paul Hervieu. Nignon lui avait offert la dédicace mais l’auteur refusa poliment et préféra que le plat porte le nom du cuisinier car « c’était la meilleure crème de volaille qu’il eut jamais mangée »

En 1922 Edouard Nignon doit subir l’ablation d’un rein, il a 57 ans et ses problèmes de santé le conduisent la mort dans l’âme à abandonner son restaurant et à en céder la propriété et la jouissance à son neveu et chef de cuisine Célestin Duplat. L’établissement est en de bonnes mains puisqu’en 1933 Larue est honoré par trois étoiles au guide Michelin et il les gardera jusqu’à la guerre.

Edouard Nignon se retire alors dans sa chère Bretagne. Il a acheté le 19 avril 1919 le château de la Haute Forêt à Bréal sous Montfort à 10 kilomètres de Rennes. Y venant d’abord pour ses vacances, c’est là désormais qu’il se consacrera à l’écriture. De longue date il avait entrepris un travail de notes où il rassemblait ses mémoires, recettes et préceptes culinaires.

Dans « Fleurs de Thym, effluves de rêves » il avoue que son âme altérée de poésie connait une ivresse nouvelle et d´évoquer la rentrée turbulente des abeilles butineuses au jour tombant dans le parc du château tandis que le rossignol égrène un chapelet cristallin.

Plus loin il confie  » un Breton de race n´oublie jamais sa terre natale, même transplanté très loin il reste fidèle à sa Bretagne.  Il me fallait réentendre la chanson des clochers à jour, revoir les calvaires peuplés d´un monde grouillant de statuettes, les dolmens alourdis de légendes, toute la Bretagne, enfin ! J´aspirais à revoir la vieille maison de ma naissance. la fontaine et le ruisseau où je faisais tourner des moulinets, le vieux banc où mon père et ma mère, dans la paisible attente de l´Ankou, reposaient leurs membres lassés…

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Edouard Nignon à son bureau de la Haute-Forêt

Son ami Morbihannais Bertrand Guégan, homme de lettres, critique littéraire, historien, éditeur, traducteur, déjà maitre d’œuvre de l’Heptaméron, sera le collaborateur privilégié d’Edouard Nignon, en parfaite complémentarité. Né à Vannes en 1892, ce résistant de la première heure est arrêté par la Gestapo dans sa ville natale et meurt en déportation au camps d’Orianenburg-Sachsenhausen en 1943

De leur collaboration naitront

-Les plaisirs de la Table en 1930 préfacé de Mr de Flers de l’Académie Française et agrémenté de dessins du maitre Grignon. On y trouve des recettes culinaires et d’aimables causeries.

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Couverture de la réédition de « Eloges de la Cuisine Française » réédité par les Editions Menu Fretin en 2014

-Eloges de la Cuisine Française terminé en 1927, probablement en raison de la crise de 1929,  ne sera édité qu’en 1933. Décoré de dessins de Pierre Courtois. Malheureusement Mr Nignon en a confié la préface à un Sacha Guitry peu inspiré sur le coup, terne et un brin méprisant. Ce livre a été réédité en 1995 et en 2014

Il participe aussi à deux ouvrages de vulgarisation, plus accessibles

-Le livre de cuisine de l’Ouest-Eclair (ancien nom du quotidien Ouest-France), suite à un concours du quotidien régional en 1924 sous la présidence de Nignon. Dans la préface il insiste « La cuisine se mange bouillante ou très froide, la cuisine tiède n’existe pas ». Dans le même ouvrage il s’insurge contre le faisandage du gibier.

-Précis de cuisine familiale en 1935 sorti après le décès du cuisinier, ce livre est à l’usage des jeunes filles des Ecoles Supérieures et des Cours complémentaires.

Quelques semaines avant son décès, il se désole que les nouveaux fourneaux à gaz ne soient plus équipés de tournebroche.

Agé de 69 ans, diminué par la maladie, il décède le 30 Octobre 1934 en son château et repose aujourd’hui dans le cimetière de Bréal

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Faire-part de décès de Edouard Nignon dans le Ouest-Eclair du 1er Novembre 1934

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Compte-rendu des obsèques d’Edouard Nignon dans le Ouest Eclair du 3 Novembre 1934

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Sépulture d’Edouard Nignon dans le cimetière de Bréal-sous-Montfort (photo Yannig Oliviéro)

Edouard Nignon a reçu de nombreuses décorations tant en France qu’à l’étranger : Légion d’Honneur, Mérite agricole, Mutualité. L’Académie Française l’a récompensé par le Prix Monthyon pour son ouvrage « Eloges de la Cuisine Française ».

Au contact des plus grands cuisiniers de son temps et des cuisines étrangères, Nignon a découvert, construit, osé des associations, adapté et innové dans le respect de la tradition.

Il a sacralisé la Gastronomie française dans sa trinité « cuisine, vin, pâtisserie » mais à aucun moment il n’apparait comme un xénophobe culinaire.

Il conseille sans cesse aux jeunes cuisiniers d’étudier les procédés anciens et classiques, de voyager pour comparer les techniques des divers pays. De glaner partout et toujours.

En 1915 pendant le premier conflit mondial, il fonde à Sannois ex-Seine et Oise, l’Orphelinat des Restaurateurs, Limonadiers et de l’Industrie Hôtelière

Un Institut Edouard Nignon a vu le jour à Nantes, sa ville natale. Sous son impulsion divers hommages ont été rendus, dont l’inauguration le 18 juin 2011 á Bréal sous Montfort, d’une allée qui chemine de la médiathèque à la mairie et qui a reçu le nom d’Edouard Nignon

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18 juin 2011 MM Joseph Durand maire de Bréal, Christian Louis petit neveu d’Edouard Nignon et Yvon Garnier président de l’Institut Edouard Nignon, inaugurent l’allée portant le nom du prestigieux chef

Pour conclure, nous rapporterons ce que dit de lui Nicolas de Rabaudy dans son Guide des meilleurs restaurants de France Editions J-C Lattès en 1976 pages 208 et 209 : »Le grand monsieur de la cuisine moderne ne fut pas Escoffier, mais Edouard Nignon…Escoffier a rendu service au métier de cuisinier, pas à l’art culinaire. …Fernand Point a été le continuateur de la cuisine de Nignon qui était d’une simplicité racinienne »

Treize Chefs Bretons triplement étoilés

JEAN LUCAS 1968

originaire de Locmiquélic dans le Morbihan. Elève du chef Pierre Ducreux , il lui succède comme chef de la Tour d’Argent en 1968.  Il reste chef jusqu´en 1975 en conservant les trois étoiles. Il doit alors se retirer en raison de problèmes de santé laissant la brigade sous la direction de son second Jacques Sénéchal.

On lui doit le poulet sauté Jean Lucas.

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Le chef Jean Lucas reçoit de Louis Saysses le diplôme du Club des Cents (Photo du livre Ma tour   d´argent)

 

AUGUSTE PERROT 1962

  Bigouden de Pont l’Abbé, il prend en 1946 la direction des cuisines du restaurant Lasserre avenue Franklin Roosevelt,succédant au chef Dierstein qui en avait fait l’ouverture.

Admirablement secondé par Georges Dumas, il gagne une première étoile en 1949, une deuxième en 1951 puis la consécration en mars 1962 sous forme d’une troisième étoile. Créateur entre autres du Canard de Challans à l’orange, du Pigeon André Malraux, de la Timbale Elysées-Lasserre. La carte de Lasserre faisait souvent référence à la Bretagne, mais seule la truite farcie portait le nom du chef Perrot. Réputé pour son calme, il se retire en 1976 après trente années rue Franklin Roosevelt. Haeberlin, Savoy, Lacombe, Boyer, Rostang et bien d’autres furent ses élèves. Lasserre conservera ses trois étoiles jusqu’en 1983.

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Auguste Perrot devant son Canard à l´orange  ( Photo du Petit Echo de la mode)

 

BERNARD PACAUD 1988

est né à La Plaine Haute dans les Côtes d’Armor le 29 Septembre 1947. Il est placé chez la mère Brazier au Col de la Luère, qui comme lui a aussi été abandonnée par ses parents alors qu’elle était très jeune. Peut-être est-ce pour cela qu’elle se prend d’affection pour le jeune Bernard. Il y apprend le métier avant de poursuivre sa formation à Paris au restaurant La Méditerranée avant d’être second de cuisine à la Coquille. Il sera ensuite pendant 6 ans le bras droit de Claude Peyrot au triplement étoilé Vivarois, avenue Victor Hugo à Paris. En 1981, rue de Bièvre il ouvre sa première Ambroisie, dès l’année suivante il décroche une première étoile, puis une seconde une année plus tard et la troisième en 1988, année ou il ouvre sa deuxième Ambroisie au 9, place des Vosges dans ce que l’on considère aujourd’hui comme le restaurant le plus élégant de la capitale. Le service ne dépasse jamais les 38 couverts.

Ceux qui ont eu la chance de faire partie de sa brigade lui vouent une admiration sans limite. Parlant d’un chef et d’un patron aussi discret qu’exceptionnel. Jamais un mot plus haut que l’autre, pas de stress, ses anciens élèves en parlent comme de leur plus belle rencontre en cuisine. Aujourd’hui son fils Matthieu qui se destinait à la musique est venu le rejoindre et a ouvert à son tour de nouveaux restaurants également étoilés. En 2016 il rouvre le restaurant du Morbihannais Jacques Le Divellec avec lequel il décroche une étoile dès 2017.

En 2018, l´Ambroisie fête ses trente années de trois étoiles au Michelin. Durant les mois d´Avril et Mai, il y est servi un menu prestigieux à 230 euros avec une coupe de Champagne En juin 2023, Bernard Pacaud cède à l’investisseur Walter Butler propriétaire entre autres des pâtisseries Pierre Hermé, les 2/3 de son restaurant et choisit alors le chef Christophe Moret pour diriger ses cuisines. 

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ALAIN PASSARD 1996

voit le jour en 1956 un quatre août à La Guerche de Bretagne en Ille et Vilaine. Il a quatorze ans lorsqu’il entre en apprentissage à Liffré au Lion d’Or de Michel Kéréver. Celui-ci qui a formé de nombreux chefs étoilés, décèle immédiatement un fort potentiel chez son élève et dira de lui  » il ira loin mais ne le lui dites surtout pas ». On retrouve plus tard Alain à Reims auprès de Gérard Boyer. En 1983 au Duc d’Enghien alors qu’il n’a que 26 ans, il est le plus jeune chef à obtenir une deuxième étoile. Un peu plus tard il rejoint le Carlton à Bruxelles où il obtient deux étoiles en deux ans. En 1986, il rachète l’Archestrate de Alain Senderens et le rebaptise l’Arpège. C’est là qu’il va créer son célèbre poulet au foin. En un an il gagne une étoile, la seconde arrive l’année suivante et en 1996, c’est la troisième étoile. La crise de la vache folle l’incite à retirer la viande rouge de ses menus et il s’oriente davantage vers les légumes dont il est son propre producteur. Sa Tarte aux pommes Bouquet de roses qui célèbre à la fois le fruit et la fleur est une marque déposée

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Alain Passard           Restaurant Arpège

 

CHRISTIAN LE SQUER 2002 et 2016

est né en 1962 à Plouhinec dans le Morbihan. Il participe alors qu’il a 14 ans à une campagne de pêche sur le chalutier de son oncle car il se destine naturellement à ce dur métier. Mais initié à bord à la cuisine par un marin, il décide de rentrer au lycée hôtelier Jean Guéhenno de Vannes et fait des stages aux Hortensias de la Trinité sur Mer. Il en sort avec un CAP/BEP de cuisine. Lorsqu’il part faire son service militaire il connait surtout de son propre aveu, les plateaux de fruits de mer. Dans les cuisines du mess il va côtoyer des garçons qui sont passés chez Bocuse, Troisgros ou autres grandes maisons, qui lui expliquent ce qu’est le travail de brigade.

A la « quille » il monte donc à Paris dans de bonnes maisons comme l’Elysée Concorde, la Fermette Marbeuf, puis après un intermède Lillois au Flambard de Robert Bardot, il passe par Le Divellec, l’Archestrate d’Alain Senderens,  le Ritz dirigé par Michel Roth, le Taillevent avec Claude Deligne et Philippe Legendre. Enfin il ose une  première place de chef au restaurant Opéra du Café de la Paix, sur les pas d’Edouard Nignon qui était passé par ces cuisines cent années plus tôt.

En 1996 Christian Le Squer a 34 ans et gagne une première étoile, la deuxième va suivre en 1998. L’année suivante Alain Ducasse l’appelle pour remplacer Ghislaine Arabian qui vient d’être limogée du Pavillon Ledoyen. Il est chef et actionnaire. La deuxième étoile est confirmée en 2000 et il est récompensé par une troisième étoile en 2002. En parallèle il ouvre deux restaurants l’ETC (macaron Michelin en 2009) et la Grande Verrière.

En 2014, il rejoint le Four Seasons Hotel Georges V avec lequel il obtient deux étoiles dès 2015 pour le restaurant le Cinq, la troisième étoile arrive le premier Février 2016, confirmant la place de Christian Le Squer parmi les plus grands chefs français. En 2017, les deux autres restaurants du Georges V : l’Orangerie et le George, obtiennent chacun un macaron ce qui en fait le palace le plus étoilé.

 

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Christian Le Squer       Le Georges V        trois comme « trois macarons »

PATRICK BERTRON 1991

a vu le jour à  Rennes en 1962. La table familiale attise sa gourmandise car sa maman est un fin cordon bleu. C’est donc naturellement qu’il entre dans une école hôtelière, en l’occurrence l’école Sainte Anne à Saint Nazaire. Il fait des stages dans des restaurants du littoral breton puis intègre la cuisine du restaurant Le Palais à Rennes auprès du chef Marc Tizon. Celui-ci décèle un réel talent chez Patrick et l’encourage à continuer sur les chemins de la gastronomie.  Bernard Loiseau  le fait rentrer en 1982 dans sa brigade à la Côte d’Or de Saulieu. Le Chef vient d’acheter le restaurant d’Alexandre Dumaine dont il était le gérant depuis 1975. Patrick gravira les marches jusqu’à devenir le bras droit de Bernard Loiseau. En 1991 c’est la consécration avec trois étoiles. Après la mort de Bernard Loiseau en février 2003, Patrick Bertron prend la direction des cuisines et conserve la troisième étoile jusqu’en 2016. Le chef Bertron affiche alors 34 années de fidélité, il restera á la Cote d’Or jusqu’ á sa retraite en 2023.

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Patrick Bertron              Relais Bernard Loiseau à Saulieu

 

CLAUDE LE TOHIC 2006

est né en avril 1968 à Pluméliau dans le Morbihan où ses parents tiennent une crêperie. Après le lycée hôtelier Jean Guéhenno à Vannes, Claude passe par des restaurants étoilés : Les Hortensias à La Trinité sur Mer,  le Château de Locguénolé à Kervignac, Ledoyen à Paris avec Ghislaine Arabian, Jamin avec Joel Robuchon. Il y aura aussi un détour par le Brésil. Après quoi il décide de transmettre son savoir et enseigne au CFA de Val-de-Reil. Tout en enseignant, il prépare le concours de Meilleur Ouvrier de France, titre qu’il décroche en 2004. C’est à ce moment que Joël Robuchon revient vers lui, il cherche un chef pour diriger les cuisines du MGM Mansion à Las Vegas, restaurant de 60 couverts dépendant d’un hôtel de 5034 chambres. Cela se fera en 2005. Le restaurant devient rapidement le seul trois étoiles de cette ville fondée en 1855  au milieu du désert.

Il quitte le MGM en 2016, pour préparer l´ouverture en 2018 du ONE 65 à Union Square à San Francisco. Un impressionnant complexe de 6 étages dédiés à la Gastronomie Française  regroupant une Pâtisserie, un Bistro et Grill, un Loundge Bar et le restaurant gastronomique le  » O par Claude Le Tohic « .

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Claude Le Tohic        MGM  Mansion Las Vegas

DOMINIQUE CRENN 2018

est née le 7 avril 1965, à l´âge de 18 mois, elle est adoptée par un couple de Bretons de Versailles. Alain le papa est politicien de haut niveau qui a ses entrées à l´Élysée. La maman, Louise,est un fin Cordon Bleu qui a été à bonne école avec la grand mère de Dominique.

La future Chef était attirée par la Restauration ou encore la Photographie, mais elle échoue son entrée à l´École Louis Lumière de Lyon. Et puis, le papa voudrait qu´elle fasse des études supérieures, alors elle se tourne vers l´Économie. Mais sans oublier à la cuisine.

Dominique Crenn

Elle part pour la Californie, à la fin des années 80, car on laisse alors en France peu de place aux femmes dans la restauration. Après quelques expériences, elle frappe à la porte de Jeremiah Tower le célèbre chef du restaurant Stars de San Francisco, elle restera plusieurs années à ses cotés.

Année 1997, elle part pour Jakarta et l´Hôtel Intercontinental. Elle est la première femme chef de cuisine dans ce pays. Elle se plaît beaucoup dans ce nouvel emploi, où toute la brigade est féminine, mais l´année suivante elle doit quitter l´Indonésie en raison de troubles civils.

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la salle de l´Atelier Crenn

Retour en Californie, à Los Angeles au Manhattan Beach, puis le Luce où elle obtient deux étoiles en deux ans.

En 2011, elle ouvre son propre restaurant gastronomique à San Francisco, ce sera l´Atelier Crenn, au 3127 Fillmore Street. Bientôt elle ouvre à coté au numéro 3131, le Bar Crenn, dans un décor des années 1930 à Paris. Il décroche lui sa première étoile le 29 novembre 2019

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le Bar Crenn

L´Atelier obtient rapidement une, puis deux étoiles au Guide Michelin de San Francisco.

En 2016, comme avant elle Anne-Sophie Pic et Hélene Darroze, Dominique Crenn est élue meilleure femme chef de l´année, Le terme ne lui plaît qu´á moitié, car elle trouve injuste qu´il y ait un classement pour les hommes et un autre pour les femmes.

Elle participe aussi en France, au jury du concours Top Chef en 2015.

En Septembre 2017, elle figure parmi les 180 Chefs de cuisine français invités à l´Élisée pour un repas qui fera date, Elle y impose des langoustines du Guilvinec

Car si elle n´est pas née en Bretagne, Dominique se sent Bretonne jusqu´au bout des doigts ou tout au moins jusque l´avant bras gauche sur lequel elle s´est fait tatouer un triskell. Elle garde un souvenir merveilleux de ses vacances en Bretagne, chez sa grand mère qui est une fabuleuse cuisinière.

Sa cuisine de ses trois restaurants est d´ailleurs influencée par les plats extraordinaires de sa grand mère et de sa maman.

Chaque convive est accueilli à l´Atelier par un Kir Breton, elle en donne la recette dans son livre Atelier Crenn. La métamorphose du goût. Cet une sphère de cidre givré, enrobée de beurre de cacao et couronnée d’ un gel crème de cassis. Dominique précise que pour congeler le cidre il faut en enlever une partie de l´alcool en le chauffant au préalable.

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le Kir Breton tel que l´imagine Dominique Crenn

Le menu dégustation est à 335 dollars, il faudra compter 220 de plus pour l´accord avec les vins

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Le plat « Jardin d’hiver » extrait du menu Grand Tasting

Le 11 août 2015 elle ouvre le Petit Crenn au 609, Hayes Street. On y sert le matin des petits déjeuners soignés, puis dans la journée des plats simples et plus accessibles, mais goûteux. L´hermine bretonne figure sur la façade du restaurant et sur les menus.

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l´Hermine Bretonne figure en bonne place sur la vitrine du Petit Crenn

Le 29 Novembre 2018, les dépêches du monde entier saluent la première femme à décrocher trois étoiles au Guide Michelin aux Etats Unis. Un grand honneur pour la Bretagne et pour la cuisine de femmes.

Dominique Crenn a aussi la réputation de bien traiter son personnel et de ne jamais élever la voix en cuisine pendant le service.

OLIVIER  ROLLINGER 2006

né en 1955  est originaire de Cancale où son papa est médecin. Il étudiait la chimie lorsque qu’il est victime en 1976 d’une attaque sauvage de la part d’un groupe de mineurs. Il frôle la mort, reste plusieurs semaines dans le coma. La rééducation est longue, plus de deux ans, dont une bonne partie en chariot.Les études ne l’intéressent plus

Il change totalement d’orientation et passe son CAP de cuisinier.Il passe par les cuisines de Marc Tizon à Rennes, André Guillot, Marc Meneau, Guy Savoy et d’autres qui l’encouragent et lui prodiguent leurs meilleurs conseils.

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Olivier Rollinger (photo Le Télégramme)

Il ouvre bientôt dans la malouinière familiale du XVIIIème siècle un restaurant  sous le nom de « Maison de Bricourt ». Il y marie les produits locaux avec les épices rappelant la vocation passée de St Malo. Avec entre autres un plat phare intitulé « St Pierre retour des Indes ». Chaque poisson a son épice, il n’est pas question de parfumer le turbot comme on parfume le rouget.Les filets sont levés au dernier moment, même chose pour la préparation des légumes.

Il obtient sa première étoile en 1984, la deuxième arrive en 1988. Dès l’année 2001 on l’  annonce tous les ans favori pour une troisième étoile. Michelin le fait « poireauter » jusqu’en 2006 lorsque tombe enfin la récompense tant attendue.

Il la conserve trois années. Estimant qu’il n’a plus la condition physique pour tenir devant le piano, il aspire a une autre vie. Le commerce des épices le passionne davantage, aussi il décide de fermer son restaurant gastronomique et rend ses trois étoiles. Les seules que l’on ait jamais eues sur le sol breton.

Aujourd’hui l’aventure continue avec les chambres, les gites, les épices, la boulangerie au feu de bois, la pâtisserie dans le centre de Cancale, le restaurant Le Coquillage. Son fils Hugo officier dans la Marine marchande a posé son sac à terre et l’a rejoint en cuisine, après un apprentissage intensif à l’Ecole Ferrandi puis dans des restaurants triplement étoilés. Toujours la passion, mais désormais sans la pression 

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Le Manoir de Bricourt, la salle

GLENN VIEL 2020

est né dans une famille bretonne en 1980 à Versailles où son père est alors en garnison.

Baumaniere Glenn Viel photo Coté magazine

En 1996 il entame un BEP cuisine au lycée hôtelier de St Quay-Portrieux. Puis il enchaîne en 1998 par un Bac Pro au lycée Ste Catherine du Mans. Son maître de stage le fait rentrer dans la brigade du Chef Marc Marchand au Meurice à Paris, avec Nicolas Sale comme second.

Ensuite il rejoint Jean François Piège au Plaza. C´est là que Nicolas Sale l´appelle pour le rejoindre au Hyatt. Il restera quatre ans avec le groupe Hyatt puis ce sera son premier poste de chef et sa première étoile décrochée au Péron à Marseille. Plus tard il succède á Nicolas Sale -encore lui- au Kilimandjaro où il obtient une deuxième étoile. Fin 2013 il prend la direction des cuisines du Cheval Blanc de Megève pour Yannick Alleno et ce sera ensuite Moscou et Bora-Bora.

Le 6 mars 2015 c´est son premier service avec une brigade de 30 personnes aux Baux de Provence à l´Oustau de Baumaniere. Prestigieuse maison provençale qui a déjà été triplement étoilée de 1954 à 1990. L´objectif fixé avec Mr Jean-André Charial est clair : retrouver la troisième étoile. 

Oustau Glenn Viel et Jean André Charial le Chef

 Glenn Viel en compagnie de Jean-André Charial petit fils de Mr Raymond Thuilier fondateur de l´Oustau de Baumaniere

Il est bientôt rejoint par Brandon Dehan chef pâtissier chez Olivier Bellin à Plomodiern.

Dans le Thuriès Magazine numéro 280 de Juin 2016 Glenn Viel répond « la 3ème étoile ? nous y travaillons tous les jours et qui sait, à force de tirer vers le haut…la maison repartirait avec les trois étoiles qu´elle mérite et qui l´ont porté pendant plus de trente ans. Alors je serais très heureux pour moi bien sûr, mais aussi pour toute l´équipe et surtout pour Mr Charial. Il porte l´Oustau de Baumaniere à bout de bras depuis des années, il l´entretient et c´est énorme en investissement personnel et financier. Je suis admiratif. C´est chose faite le 27 janvier 2020, après juste 30 longues années l´Oustau de Baumaniere retrouve sa troisième étoile

Glenn Viel lafont

 

                                                                                  Le Chef Glenn Viel

Oustau et Val d´enfer

                                          L’Oustau de Baumanière et le Val d’Enfer

 

NICOLAS LE TIRRAND 2015

est né 12 mars 1981 à Larmor-Plage dans le Morbihan

Après un apprentissage à Vannes au lycée Jean Guéhenno, il rejoint l’ Auberge Bretonne de Jacques Thorel á La Roche Bernard, puis il monte á Paris où il travaillera pendant 6 ans au Plaza Athénée d’ Alain Ducasse avec le chef Christian Moret. Ensuite il passe au Georges V avec le chef Eric Briffard et au « 39 V » installé sur les toits de Paris, auprès du chef Frédéric Vardon qu’il seconde pendant quatre ans.

En 2014, il rejoint Yannick Alléno au Pavillon Ledoyen, en tant que chef. C´est la conquête des trois étoiles en 2015.

Les étoiles sont conservées jusque son départ l´été 2018 pour prendre en charge le restaurant Lasserre dont on vient d´épurer le décor de la salle. Le toit ouvrant a été conservé, mais sa peinture vieillotte a disparu. Dans un premier temps il s´agira de reconquérir la deuxième étoile de cette vénérable institution.

Mais un autre projet a mûri dans sa tête : avec son frère Matthieu, en 2020, en plein confinement en raison du Covid, il ouvre au numéro 1, du Cours de la Bôve à Lorient, un restaurant abordable mais de qualité, « Sources » est son nom. Comme un « retour aux sources ».

Nicolas le Tirrand

Nicolas Le Tirrand (photo Atabula)

MAGUY et GILBERT  LE COZE 2006

Bernardin Gilbert et maguy Le coze Food et Sens

                       Maguy et Gilbert Le Coze dans leurs jeunes années

Gilbert Le Coze était un chef Français né à Port Navalo dans le Morbihan, sur la commune d´Arzon. Il était connu pour ses méthodes innovantes de cuisiner les fruits de mer. Sa cuisine a été comparée à la cuisine japonaise et a influencé toute une génération de cuisiniers américains.

Avec sa sœur Maguy, il obtient un premier succès en ouvrant une discothèque « La Biscorne ». Une des toutes premières en Bretagne. En 1972, ils quittent Port Navalo pour ouvrir un restaurant à Paris.Ce sera un restaurant de 25 couverts, rue Troyon, baptisé « les Moines de St Bernardin ». Le collège des Bernardins n´est pas loin, mais c´est surtout en souvenir d´une chanson paillarde que chantait leur papa qu´ils appellent ainsi leur restaurant.

Maguy reçoit en salle et Gilbert oeuvre en cuisine.Les premières critiques ne sont pas très bonnes, mais ils corrigent le tir et reçoivent une première étoile en 1976.

Dix ans plus tard l´Equitable Assurance Life Company les invite à s´exiler dans un immeuble abritant nombres de cabinets d´avocats situé au cœur de Manhattan. Le nom est simplifié en « Le Bernardin ».

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                                                l´entrée du Bernardin

L´immense salle à manger est très agréable, du teck partout, sur les murs, des tableaux signés Yves de Kerouallan, Henri Barnoin ou Victor Gilbert représentent le port de Boulogne sur mer et des scènes de la vie en Bretagne.

Sur 135 salariés, 40 travaillent en cuisine. Gilbert Le Coze obtient une, puis deux étoiles, mais il est terrassé le 28 Juillet 1894 en faisant un exercice de fitness. Sa sœur Maguy confie alors la cuisine à Eric Rippert qui est second de cuisine depuis trois années.

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                         Maguy Le Coze et son chef Eric Rippert

Eric Rippert vit ses jeunes années dans le Sud de la France : Antibes, St Jean de Luz, puis Andorre. Il a été initié à la bonne cuisine par sa mère et ses tantes et c´est naturellement qu´il entre à l´Ecole Hôtelière de Perpignan. Puis il monte à Paris d´abord la Tour d´Argent, puis chez Joel Robuchon au Jamin.

En 1989, il part rejoindre Jean Louis Palladin, un des premiers chef Français à s´imposer aux USA. Enfin en 1991 il rejoint le Bernardin.

Le restaurant obtient la troisième étoile en 2006 et l’a conservée depuis cette date. Selon le Michelin, il propose des produits d´exception, une pureté et puissance des saveurs, un équilibre des compositions. La cuisine est portée ici au rang d´Art. Les assiettes, parfaitement abouties, s´érigent souvent en classiques.

Il faut trois semaines pour avoir une table. Cinq personnes sont employées aux réservations.

Les plats sont difficiles à reproduire tant ils sont complexes. Le poisson est roi sur la carte du Bernardin. Le dessert le plus demandé est la tarte chocolat-caramel aux noix de cajou, servie avec une glace de chocolat au lait.

Le cadre est raffiné, mais l´atmosphère est joyeuse, décontractée. Les clients se lèvent de table et discutent d´une table à l´autre, dans une ambiance brasserie. Rien à voir avec le milieu feutré de certains grands restaurants parisiens

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                                            la salle du Bernardin

Jerome Banctel 2024

Le Gabriel Hôtel La Reserve Paris 8eme

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                                             Chef Jérôme Banctel ( Photo Le Point )

Il est né le 1er décembre 1971 et passe son enfance à Piré sur Seiche près de Rennes. En 1987 il entre au lycée hôtelier Notre Dame de St Méen le Grand en Ille et Vilaine. Il travaille avec Guy Guilloux à Pont-Aven puis il rejoint en 1991 le chef Breton Michel Kéréver au Duc d’Enghien avant de l’accompagner aux Pays-Bas.

Apres son service militaire, il travaillera successivement chez André Daguin à Auch, au Jules Verne, aux Ambassadeurs avec Christian Constant, à L’Ambroisie où il va rester 10 ans avec Bernard Pacaud avant d’être chef du Lucas Carton . En 2012 il co-édite avec Alain Senderens un livre de recettes.

Depuis 2015 il est chef du Gabriel où il gagne une seconde étoile puis vient la troisième. en 2024